Dépôt tardif du décompte d’apurement en PA : extinction de la dette douanière avec la notion de « marchandises utilisées » interprétée par la CJUE

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14/10/2020
Transport - Douane

En perfectionnement actif, la dette douanière née en vertu de l’article 79 du Code des douanes de l’Union, du fait de la présentation tardive du décompte d’apurement, peut s’éteindre si les marchandises n’ont pas été utilisées d’une manière allant au-delà des opérations de transformation autorisées par la Douane : c’est l’interprétation de la notion de « marchandises utilisées » de l’article 124, § 1, k) du même Code que retient la CJUE dans une décision du 8 octobre 2020.
L’article 79 du Code des douanes de l’Union (CDU) prévoit qu’une dette douanière nait à l’importation, par suite de l’inobservation, selon son point a), « d’une des obligations définies dans la législation douanière applicable à l’introduction de marchandises non Union dans le territoire douanier de l’Union, à leur soustraction à la surveillance douanière, ou à la circulation, à la transformation, au stockage, au dépôt temporaire, à l’admission temporaire ou à la disposition de ces marchandises dans ce territoire ». En revanche, le point k) du § 1 de l’article 124 du même Code prévoit une extinction de la dette douanière à l’importation (ou à l’exportation) lorsque celle-ci est née en vertu de l’article 79 précité « et que la preuve est fournie, à la satisfaction des autorités douanières, que les marchandises n’ont pas été utilisées ou consommées et qu’elles sont sorties du territoire douanier de l’Union » (une condition de d’absence de tentative de manœuvre s’ajoute).
 
Dans l’affaire ici rapportée, un opérateur de l’UE, qui bénéficie d’une autorisation de perfectionnement actif (PA), a importé des marchandises et les a réexportées, mais le décompte d’apurement devant être soumis par lui à la Douane suédoise le 22 février 2018 au plus tard (dans les 30 jours suivant l’expiration, le 23 janvier 2018, du délai d’apurement du régime) n’a été réceptionné que le 6 mars 2018 par cette Administration, qui estime que ce dépassement fait naître une dette douanière au sens de l’article 79 précité.
 
Pour l’opérateur, les marchandises sont déjà sorties du territoire douanier de l’Union du fait de leur réexportation et il n’y aurait pas eu d’utilisation de celles-ci au moment de la naissance de la dette douanière ou ultérieurement : aussi, selon lui, il peut prétendre à l’extinction de la dette prévue par l’article 124, § 1, k).
 
Mais pour la Douane, les termes « marchandises utilisées » de l’article 124, § 1, k), signifieraient que les marchandises doivent être transformées d’une manière ou d’une autre pour que la dette soit éteinte. Or, selon cette Administration, dès lors qu’il n’aurait pas été argué que les marchandises n’avaient pas été transformées sous PA, les conditions de l’extinction de la dette douanière ne seraient pas remplies.
 
Le débat, qui arrive devant la CJUE via une question préjudicielle, porte donc sur cette notion de « marchandises utilisées » visée par l’article 124, § 1, k) : l’utilisation des marchandises à laquelle se réfère cette disposition vise-t-elle seulement une utilisation allant au-delà des opérations de transformation sous perfectionnement actif autorisées par la Douane, ou inclut-elle également une utilisation conforme à ces opérations de transformation autorisées ?
 
Notion de « marchandises utilisées » = au-delà des opérations de transformation autorisées
 
Le CDU ne comportant de définition des « marchandises utilisées » et les différentes versions linguistiques comportant des disparités, la CJUE – classiquement – estime que la disposition doit être interprétée « en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément ».
 
Or, l’article 124, § 1, k), « lu à la lumière du considérant 38 et en combinaison avec l’article 124, paragraphe 6, de ce code », vise « à permettre, en l’absence de tentative de manœuvre, l’extinction de la dette douanière née en vertu de l’article 79 dudit code dans le cas où, malgré le non-respect de certaines conditions ou obligations découlant de ce même code, il est prouvé que les marchandises n’ont pas été utilisées d’une manière justifiant l’imposition de droits et qu’elles sont sorties du territoire douanier de l’Union (la CJUE renvoie là à deux décisions par analogie : CJUE, 5 oct. 1983, n° 186/82 et n° 187/82, Esercizio Magazzini Generali et Mellina Agosta, EU:C:1983:262, point 14 et CJUE, 2 avr. 2009, n° C‑459/07, Elshani, EU:C:2009:224, point 29). Donc, cette notion de « marchandises utilisées », dans l’article 124, § 1, k), « doit donc être comprise comme visant non pas toute utilisation mais seulement celle donnant lieu, par elle-même, à une dette douanière ». Or, sous perfectionnement actif, des marchandises qui font uniquement l’objet d’opérations de transformation autorisées et d’une réexportation ultérieure hors de l’UE (et non pas d’une mise sur le marché ou d’une autre utilisation comparable) ne sont pas soumises aux droits à l’importation. Aussi, pour des marchandises placées sous PA, l’utilisation visée par l’article 124, § 1, k), doit « nécessairement être comprise comme visant seulement l’utilisation allant au-delà des opérations de transformation autorisées par les autorités douanières ». En effet, si cette utilisation des marchandises incluait également l’utilisation conforme à ces opérations de transformation, l’extinction de la dette serait exclue pour le PA, ce qui irait à l’encontre de la finalité de cette disposition, qui est applicable à tous les régimes douaniers (points 32 et s.).
 
Pas de remise en cause de la jurisprudence antérieure, mais...

La CJUE rappelle qu’elle avait certes retenu, sous l’empire du CDC, que la violation de l’obligation de présenter le décompte d’apurement dans le délai requis entraînait la naissance d’une dette douanière visant l’ensemble des marchandises d’importation à apurer, y compris celles réexportées en dehors du territoire de l’Union (CJUE, 6 sept. 2012, n° C-262/10, Döhler Neuenkirchen GmbH c/ Hauptzollamt Oldenburg, points 41 et 48), mais elle souligne aussi qu’elle est interrogée dans l’affaire qui lui est soumise, non pas sur la naissance d’une dette en cas de présentation tardive du décompte d’apurement en PA – cette dette étant d’ailleurs née en l’espèce au sens de l’article 79 précité –, mais sur la possible extinction de cette dette en vertu de l’article 124, § 1, k). Autrement dit, elle ne revient pas sur sa position antérieure s’agissant de la naissance de la dette, mais ouvre la voie à une échappatoire : en effet, la dette douanière née en vertu de l’article 79 du fait de la présentation tardive du décompte d’apurement peut s’éteindre si les marchandises n’ont pas été utilisées d’une manière allant au-delà des opérations de transformation autorisées par les autorités douanières, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier (point 41).
 
Quel moment pour l’inutilisation ?
 
Interrogée aussi quant au point de savoir si le fait que l’utilisation des marchandises ait eu lieu avant ou après la naissance de la dette présente un intérêt pour l’interprétation de la notion de « marchandises utilisées » de l’article 124, § 1, k) (qui est silencieux sur cet aspect), la CJUE constate que, en vertu de l’article 79, § 2, a), du CDU, lorsque la dette douanière est née en raison de la soumission tardive du décompte d’apurement et dès lors que les marchandises ont déjà été réexportées, celles-ci ne peuvent être considérées comme ayant été utilisées (au sens de l’article 124, § 1, k)), sur le territoire douanier de l’Union après la naissance de la dette douanière (points 42 et s).
 
Plus d’information sur le sujet du perfectionnement actif dans Le Lamy guide des procédures douanières, n° 750-1 et s. La décision ici présentée est intégrée au n° 750-63 dans la version en ligne de l’ouvrage sur Lamyline au plus vite : le traitement informatique en cours de la mise à jour d’octobre de votre Guide ne permet pas forcément son intégration dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité. Cette décision est en revanche intégrée sur Lamyline aux nos 1399 et 1523 du Lamy transport, tome 2, dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité
 
Source : Actualités du droit