Soustraction à la surveillance douanière : participation d’un président de société par un mail reçu

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06/04/2020
Transport - Douane

La réception d’un courriel dont un président de société est destinataire en copie caractérise sa participation à la soustraction à la surveillance douanière : cette participation « n’implique pas nécessairement que la personne poursuivie ait accompli des actes matériels positifs destinés à faire échapper les marchandises à la surveillance douanière mais seulement qu'elle ait su, ou ait été raisonnablement en mesure de savoir, qu'il s'agissait d'une soustraction de la marchandise à cette surveillance », selon la Cour de cassation.
Une société, commissionnaire en douane, a effectué les formalités douanières relatives à des marchandises en provenance de Tunisie et du Maroc circulant transit externe, mais ces marchandises n’ont pas été réceptionnées dans ses locaux, ce qui rendait impossible le contrôle douanier conditionnant l’exemption des droits de douane ; il y avait donc eu soustraction à la surveillance douanière. La Douane a notifié à la société et à son président un procès-verbal d’infraction, puis un avis de mise en recouvrement (AMR) au seul président, la société ayant été mise ne liquidation judiciaire. Le président a contesté l’AMR et sa contestation ayant été rejetée a assigné la Douane en annulation de cette décision et de l’AMR. Débouté en appel (CA Paris, 13 sept. 2016, n° 15/19155, Administration des Douanes c/ X  ; voir notre actualité), il forme un pourvoi dans lequel il remet en cause sa participation à ladite soustraction.
 
Soustraction à la surveillance douanière : le texte alors applicable
 
Selon l’ex-article 203 du Code des douanes communautaire, la soustraction à la surveillance douanière d’une marchandise passible de droits à l’importation fait naître une dette douanière et les personnes qui y ont participé en sachant ou en devant raisonnablement savoir qu’il s’agissait d’une telle soustraction sont, entre autres, débitrices de cette dette.
 
Soustraction à la surveillance douanière : des actes matériels positifs ?
 
Selon le président, la participation à la soustraction à la surveillance douanière suppose la réalisation d’actes matériels destinés à faire échapper la marchandise à cette surveillance. Aussi, en déduisant sa participation à la soustraction de sa qualité de président de la société et de la « supposée connaissance » du mode opératoire mis en place par le service douanes de sa société, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’ex-article 203.
 
Il ajoute que la Douane devait établir qu’il avait effectivement commis des actes positifs de participation à la soustraction, sa seule qualité de président de la société n’impliquant pas nécessairement cette participation sauf à établir qu’il exerçait un véritable pouvoir de direction et qu’il ait donné des directives en ce sens, ce que l’Administration n’avait pas fait selon lui.
 
Soustraction à la surveillance douanière : la connaissance par un courriel en copie
 
La Cour de cassation ne retient pas les arguments ci-dessus et valide le raisonnement de la cour d’appel.
 
D’abord, en sa qualité de président de la société au moment des faits, il dirigeait la société, l’administrait, la représentait à l’égard des tiers et était investi de tous les pouvoirs nécessaires pour agir en toutes circonstances en son nom, et la cour d’appel a constaté que, par un courriel dont le président était « destinataire en copie », le responsable du service des douanes de sa société avait décidé de soustraire les marchandises d’un client spécifique à la surveillance douanière afin d’éviter de « perdre ce client ». Autrement dit, le président avait connaissance de la chose. Ensuite, selon la cour d’appel, cette décision-ci, « érigée en principe de fonctionnement », relevait du pouvoir de direction et d’administration du président de la société, eu égard à sa teneur et à son impact sur le chiffre d’affaires, et la preuve d’une délégation de pouvoir au responsable du service des douanes de la société n'était pas rapportée.
 
Aussi, pour la Cour de cassation, la participation du président à la soustraction est caractérisée au sens de l’ex-article 203 reproduit ci-dessus, puisque cette participation « n’implique pas nécessairement que la personne poursuivie ait accompli des actes matériels positifs destinés à faire échapper les marchandises à la surveillance douanière mais seulement qu'elle ait su, ou ait été raisonnablement en mesure de savoir, qu'il s'agissait d'une soustraction de la marchandise à cette surveillance ».
 
Et avec le Code des douanes de l’Union ?
 
La solution ci-dessus serait la même sous l’empire du Code des douanes de l’Union désormais applicable : l’article 79 du CDU relatif à la dette douanière à l’importation comporte en effet des dispositions semblables.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy transport, tome 2, nos 1389 et s. La décision ici présentée est intégrée notamment à ce numéro dans la version en ligne de cet ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit