« Soustraction à la surveillance douanière » et entrepôt douanier dans le CDU : notion et sanction

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06/03/2020
Transport - Douane

Dans le cas d’un vol de marchandises sous entrepôt douanier, la CJUE rappelle la notion de « soustraction à la surveillance douanière » applicable sous l’empire du Code des douanes de l’Union et encadre la sanction.
À propos d’un vol de marchandises placées sous le régime d’entrepôt douanier, la CJUE répond à une question préjudicielle en interprétation du Code des douanes de l’Union (CDU) : s’oppose-t-il à une réglementation nationale en vertu de laquelle, dans cette hypothèse-ci, le titulaire de l’autorisation d’entrepôt douanier se voit infliger une sanction pécuniaire au titre d’une infraction à la réglementation douanière et surtout dans quelle limite ?
 
Notion de soustraction à la surveillance douanière (rappel)
 
La Cour rappelle que la notion de « soustraction à la surveillance douanière » dans le CDU doit être entendue comme comprenant tout acte ou omission qui a pour résultat d’empêcher, ne serait-ce que momentanément, l’autorité douanière compétente d’accéder à une marchandise sous surveillance douanière et d’effectuer les contrôles prévus par la réglementation douanière et que c’est notamment le cas au sens de ce code lorsque des marchandises placées sous un régime suspensif ont été volées comme dans cette affaire. Elle indique à nouveau que la soustraction d’une marchandise à la surveillance douanière présuppose uniquement la réunion de conditions de nature objective, telles que l’absence physique de la marchandise dans le lieu de dépôt agréé au moment où la Douane entend procéder à l’examen de ladite marchandise et précise qu’il s’ensuit que la responsabilité du titulaire d’une autorisation d’entrepôt douanier (qui a la responsabilité de veiller à ce que les marchandises admises sous ce régime ne soient pas soustraites à la surveillance douanière selon l’article 242, § 1, a) du CDU) revêt en cas d’une telle soustraction un « caractère objectif et est, dès lors, indépendante du comportement de ce titulaire ainsi que de celui de tiers » (par ces tiers on vise aussi les voleurs).
 
Observations
Les rappels de la CJUE ci-dessus sont issus des interprétations de l’ex-article 203 du Code des douanes communautaire (CDC) que la Cour transpose sous l’empire du CDU ; les décisions correspondantes sont mentionnées aux numéros de l’ouvrage indiqués ci-dessous.
 
Quelle sanction pour la soustraction à la surveillance douanière de marchandises sous entrepôt douanier ?
 
Une sanction pécuniaire du vol pour le titulaire
 
La soustraction à la surveillance douanière de marchandises sous entrepôt douanier constitue pour son titulaire une infraction douanière en raison de l’inobservation d’une des obligations définies par l’article 242 précité, inobservation qui fait naître une dette douanière à l’importation. À défaut d’harmonisation de la législation de l’Union en matière d’infractions douanières, les États membres sont compétents pour adopter des « sanctions appropriées » pour assurer le respect de la réglementation douanière de l’UE : le CDU ne s’oppose donc pas à une réglementation nationale infligeant, en cas de vol de marchandises placées sous le régime d’entrepôt douanier, une « sanction pécuniaire appropriée » au titulaire de l’autorisation d’entrepôt douanier au titre d’une infraction à la réglementation douanière.
 
Une sanction proportionnée
 
Si, toujours à défaut de l’harmonisation ci-dessus, les États membres sont certes compétents pour choisir les sanctions, ils doivent toutefois respecter le droit de l’Union et ses principes généraux, notamment celui de proportionnalité. En ce sens, les mesures administratives ou répressives permises par une législation nationale ne doivent ni aller au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par cette législation, ni être démesurées au regard des objectifs. L’article 42 du CDU qui « encadre » les sanctions prévoit d’ailleurs qu’elles doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives ».
 
Or, selon la Cour, une sanction consistant en l’obligation de payer une somme correspondant à la valeur en douane des marchandises soustraites à la surveillance douanière dans cette affaire n’apparaît pas comme étant proportionnée (indépendamment du fait que cette sanction s’ajoute ici à une autre prévoyant une amende/sanction pécuniaire dont le montant est de 100 à 200 % de cette valeur) : un tel montant va au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir, notamment, que les marchandises sous entrepôt douanier ne soient pas soustraites à la surveillance douanière.

La Cour rappelle aussi que les sanctions prévues à l’article 42 précité visent non pas à sanctionner d’éventuelles activités frauduleuses ou illicites, mais toute infraction à la législation douanière : autrement dit, elles visent uniquement à sanctionner une violation de l’obligation.
 
Remarques
La Douane et le gouvernement bulgare ont voulu s’appuyer sur l’article 198, § 1, a), du CDU pour justifier, en plus d’une sanction, le paiement d’une somme dans le cas de la soustraction à la surveillance douanière : selon eux, la Douane doit en application de cet article prendre toutes les mesures nécessaires, y compris la confiscation et la vente ou la destruction, pour « régler la situation des marchandises » soustraites à la surveillance douanière, et, l’énumération des mesures ainsi visées n’étant pas exhaustive, le paiement, lorsque la présence physique des marchandises concernées ne peut être constatée par la Douane, de ladite somme constituerait un « moyen de régler [leur] situation » analogue à une saisie de ces marchandises au profit de l’État. En revanche, pour la CJUE, cette interprétation de l’article 198 ne peut pas être retenue : en effet, il figure sous le chapitre 4 « Disposition des marchandises » du titre V du CDU et les dispositions sous ce chapitre portent uniquement sur les mesures à prendre « pour régler la situation » des marchandises dont la présence physique a pu être constatée par la Douane (le considérant 45 du CDU corrobore cette interprétation selon la Cour en énonçant que ce Code poursuit notamment l’objectif de fixer, au niveau de l’Union, des règles régissant la destruction ou toute autre manière de disposer des marchandises par la Douane). Par conséquent, la somme réclamée en sus de la sanction n’est pas un moyen de disposer des marchandises qui réglerait leur situation mais bel et bien une sanction.
 
 
Plus d’information sur ces sujets dans Le Lamy transport, tome 2, n° 1391 et n° 1392. La décision ci-dessus est intégrée notamment à ces numéros-ci dans la version en ligne de cet ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit