Reconversion de J-B. Djebbari : la HATVP veille

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24/05/2022
Transport - Informations professionnelles, Logistique
Public - Informations professionnelles

Au cours de ses derniers mois de présence au gouvernement en tant que ministre délégué aux transports, Jean-Baptiste Djebbari a multiplié les demandes d’avis pour valider sa reconversion professionnelle dans le privé, auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
L'Autorité lui a permis, sous surveillance, une embauche chez un constructeur de véhicule fonctionnant à l'hydrogène mais a invalidé son entrée chez CGM CMA en tant que vice-président exécutif du futur pôle spatial du groupe.

Le 31 janvier 2022, le ministre délégué aux transports Jean-Baptiste Djebbari affiche clairement sa volonté de quitter la vie politique; il dépose une demande d'avis auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) qui doit étudier son ambition de rejoindre Hopium, concepteur de véhicules fonctionnant à l’hydrogène qui ne seront sur le marché qu’en 2025. Le 22 mars 2022, l'Autorité valide avec réserves ce changement de vie professionnelle au motif que « le projet de l’intéressé n’apparaît pas de nature à faire naître un doute légitime sur les conditions dans lesquelles il a exercé ses fonctions gouvernementales ».
De quelles réserves s’agit-il ? L’avis interdit au futur ex-ministre, pendant trois ans, toute démarche auprès du ministère dont il a eu la tutelle, des autres membres du gouvernement Castex, des membres de son cabinet ou de ceux d’Elisabeth Borne ou de Barbara Pompili qui seraient encore aux affaires. « ll convient d’encadrer les futures relations professionnelles de l’intéressé afin d’éviter tout risque de mise en cause du fonctionnement indépendant et impartial de l’administration », explique sobrement le président de la HATVP, Didier Migaud.

Retrouver la voie des airs

Cela aurait dû être une bonne nouvelle mais Jean-Baptiste Djebbari a d'autres ambitions. Sans attendre l'avis de la HATVP, il dépose, le 15 mars, une autre demande afin d'être autorisé à « rejoindre, après son départ du gouvernement, la société tête du groupe CMA CGM ». Son ambition est alors de devenir vice-président exécutif en charge du pôle spatial que l’armateur veut créer et d’entrer au comité exécutif du groupe à ce titre.
En la matière, les projets de CMA CGM ne seront rendus publics que deux mois plus tard : le 18 mai, alors qu'il avise le marché de sa volonté de devenir le principal acteur français du fret aérien (voir BTL n°3880, p. 306) en s’alliant avec Air France Cargo et en entrant au capital de la compagnie aérienne à hauteur de 9%, le groupe sait qu'il ne pourra pas compter sur l'ancien ministre pour diriger sa nouvelle activité. Quelques jours auparavant, le 5 avril précisément, la HATVP n'a pas validé cette reconversion par le haut de l’ancien pilote d’affaires. « Le risque de mise en cause du fonctionnement indépendant et impartial de l’administration serait substantiel si Monsieur Djebbari rejoignait ce groupe », explique logiquement l’avis qui souligne les multiples rencontres (« à au moins huit reprises au cours des trois dernières années ») entre les dirigeants du groupe marseillais et le ministre des transports. Une fréquence qui, conjuguée au projet de l’armateur français de devenir l’un des poids-lourds mondiaux de la logistique, pourrait « créer un doute » en matière de conflit d’intérêts.

Chez Hopium, sous surveillance

Qu'à cela ne tienne; Jean-Baptiste Djebbari dépose, le 25 avril 2022, une troisième demande d’avis à l'HATVP. Il s’agit, cette fois-ci, de « créer une société par actions simplifiée unipersonnelle afin de réaliser des prestations de conseil, de conférences et de gestion d’image, notamment auprès d’entreprises privées ». La décision de la HATVP est rendue le 17 mai : c’est un avis positif qui, cependant, retient l’hypothèse selon laquelle la société Hopium pourrait envisager de confier à cette société des « démarches particulières auprès des pouvoirs publics ». L’avis est donc assorti des mêmes réserves que celles valant pour l’entrée du ministre chez Hopium. Pas question de permettre de passer par la fenêtre alors que la porte est interdite !

Trois dossiers, trois avis qui, au final, auront donné à voir une nouvelle facette d'un homme plus connu jusqu'alors pour ses vidéos postées sur les réseaux sociaux que pour un travail de fond accompli rue du Bac. Cette volonté de pantouflage n’aura pas fait qu’écorner son image ; elle aura donné du grain à moudre à ceux qui se défient de la politique et des hommes qui la font.  
 
 

                      A lire dans le numéro 3881 du
         Bulletin des transports et de la logistique

 

Source : Actualités du droit