Remboursement des droits de douane : RTC, CRAP et motivation dans l’ex-CDC, RA

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05/01/2022
Transport - Douane

Pour accorder un remboursement des droits de douane à un importateur, la Cour de cassation lui permet d’invoquer un renseignement tarifaire contraignant (RTC) émis à son profit postérieurement aux importations concernées par le biais du principe de confiance légitime. Cet arrêt du 15 décembre 2021 rappelle aussi l’obligation pour un service incompétent qui a reçu une demande de remboursement de droits de la transférer au service compétent et traite – sous l’empire de l’ex-Code des douanes communautaire – de la motivation d’une telle demande et de son contrôle.
Entre 2008 et 2010, un opérateur a importé diverses marchandises sous une position tarifaire pour lesquelles il a souscrit les déclarations douanières correspondantes et acquitté les droits de douane. Estimant que ces marchandises relevaient d’une autre position tarifaire, exonérée de droits de douane, il a, après avoir déposé une demande de remboursement auprès d’une direction régionale des douanes et droits indirects le 25 mai 2011, saisi, le 4 juillet 2011, une autre direction départementale des douanes et droits indirects d'une demande de remboursement des droits de douane portant sur des déclarations d'importation souscrites en 2008. Le 26 juillet 2012, il a également saisi cette dernière d'une demande de remboursement de vingt déclarations d'importations en provenance de Chine souscrites en 2010. Certaines de ses demandes ayant été rejetées, il saisit le juge. L’affaire arrive devant la Cour de cassation qui, dans un arrêt qu’elle destine à la publication au Bulletin, prend position :
  • sur la possibilité pour l’opérateur d’invoquer un RTC délivré à son bénéfice après les importations par le biais du principe de confiance légitime ;
  • sur l’obligation pour la Douane incompétente qui a reçu une demande de remboursement de la transférer au service compétent ;
  • et sur la motivation d’une telle demande sous l’empire du CDC, RA.
 
Remboursement des droits : RTC et confiance légitime
 
À l’appui de ses demandes de remboursement, l’opérateur invoquait des RTC obtenus de la Douane datés des 19 septembre 2010, 23 novembre et 26 novembre 2010, postérieurement aux déclarations d’importation, mais la cour d’appel les avait déclarés inopérants aux motifs que les RTC délivrés ne couvraient pas toutes les marchandises concernées par les demandes de remboursement et que « les RTC ne concernent pas les importations qui ont fait l'objet d'une demande de remboursement ». Paradoxalement, cette même cour retenait, dans le même temps, que « si les autorités douanières ne sont pas liées par un RTC remis au déclarant pour la période antérieure à sa délivrance et/ou pour des importations non visées, elles peuvent cependant les prendre en compte pour apprécier l'exactitude du classement tarifaire retenu pour le produit importé à l'occasion d'une demande de remboursement » (CA Rouen, 14 mars 2019, n° 17/01140, Schaffner EMC c/ Direction régionale des douanes).
 
Ayant formé un pourvoi contre cette décision, l’opérateur invoque deux arguments qu’il lie :
  • une demande de RTC peut porter sur différentes marchandises à condition que celles-ci relèvent d'un seul type de marchandises ;
  • et, lors des « nombreux échanges » avec la DGDDI, celle-ci avait accepté en 2010 qu’il n’établisse que cinq demandes de RTC en regroupant ses produits en cinq types de marchandises, puis, en 2013, qu'il porte à une vingtaine le nombre de demandes de RTC et « qu'[il] puisse utiliser ces RTC à l'appui de ses demandes de remboursement » ; ainsi, en application du principe général de droit communautaire de confiance légitime, selon lequel l'administration doit respecter les espérances légitimes du justiciable suscitées par une prise de position de la part de ladite administration, la Douane devait prendre en compte ces RTC dans le cadre de l’examen de la demande de remboursement des droits.
 
La Cour de cassation commence par rappeler que la demande de RTC ne peut porter que sur un seul type de marchandises (selon ex-CDC, RA, art. 6, § 2). Elle ajoute que la CJUE a dit pour droit que ce texte doit être interprété en ce sens qu'une demande de RTC peut porter sur différentes marchandises à condition que celles-ci relèvent d'un seul type de marchandises et que seules des marchandises présentant des caractéristiques similaires et dont les éléments de différenciation sont dépourvus de toute pertinence aux fins de leur classification tarifaire peuvent être considérées comme relevant d'un seul type de marchandises au sens de ladite disposition (CJUE, 2 déc. 2010, n° C-199/09, Schenker SIA c/ Valsts ienemumu dienests).
 
Puis la Haute cour, se fondant sur l’article précité et le principe de confiance légitime, censure la décision des juges du fond en retenant :
  •  d'une part, que la DGDDI avait indiqué à l’opérateur que les RTC pouvaient servir d'élément à prendre en compte pour l'instruction d'une demande de remboursement, quand bien même ceux-ci n'étaient délivrés que pour l'avenir, et avait délivré, à deux reprises, dans le temps de l'étude des demandes de remboursement de l’opérateur, des RTC portant sur plusieurs marchandises relevant d'un seul type de marchandises, ce qui pouvait être considéré, par l'opérateur, comme ayant fait naître chez lui « des espérances fondées de ce que les RTC portant sur plusieurs références de produits seraient pris en compte pour l'instruction de ses demandes de remboursement » ;
  • et d'autre part, « qu'une demande de remboursement fondée sur la délivrance d'un RTC couvrant un type de marchandises doit être analysée, à supposer que ce RTC soit pris en compte, au regard de toutes les marchandises constituant ce type de marchandises ».
 
Remarques
La Cour de cassation rappelle aussi la définition du principe de confiance légitime donnée par la CJUE : « le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue l'un des principes fondamentaux de l'Union, s'étend à tout particulier qui se trouve dans une situation dont il ressort que l'administration, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées » (CJCE, 14 oct. 1999, n° C-104/97 P, Atlanta AG c/ Communauté européenne et CJUE, 15 juill. 2004, n° C-37/02 et C-38/02, Di Lenardo Adriano Srl et Dilexport Srl c/ Ministero del Commercio con l'Estero). + 
 
Demande de remboursement : autorité incompétente et CRPA
 
La question de l’incompétence du service pour traiter la demande de remboursement des droits et donc la refuser faisait également partie des arguments à trancher. Sur ce point, que nous abordons sans entrer dans le détail, la Cour de cassation se fonde sur l’article L. 114-2 du Code des relations entre le public et l'administration (CRPA) qui dispose que, lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé. Cette disposition s’applique à la demande de remboursement de droits de douane formulée par l’opérateur auprès d’une Direction régionale des douanes incompétente, qui aurait donc dû transmettre la demande et les pièces jointes à son homologue compétente, peu important, selon la Haute cour, que, postérieurement à sa demande initiale, l’opérateur se soit adressé à la Direction régionale des douanes compétente (qui a interprété à tort cette demande comme une nouvelle demande ne portant que sur les importations de Thaïlande).
 
Motivation de la demande de remboursement sous l’empire du CDC, RA
 
Pour rejeter les demandes de remboursement de droits de douane de l’opérateur, la cour d’appel estime qu’il était tenu de motiver ses demandes de remboursement et que ces dernières étaient particulièrement laconiques puisqu'elles se présentaient sous forme de lettres comportant trois paragraphes. Mais cette cour retient aussi d’une part que les demandes étaient accompagnées des ex-annexes 111 du CDC, RA – c’est-à-dire des formulaires de demande remboursement alors applicables – et de pièces appuyant au fond cette demande comme des renseignements tarifaires contraignants ou un tableau récapitulatif des demandes reprenant les RTC, et d’autre part que la Douane avait pu procéder à certains remboursements par une analyse des déclarations en douane, des RTC et des factures produites.
 
La Cour de cassation censure les juges du fond en rappelant d’abord les articles 878 et 881 du CDC, RA, alors applicables qui disposent que la demande de remboursement des droits de douane indûment perçus est établie en un original et une copie, sur le formulaire conforme au modèle et aux dispositions figurant à l'annexe 111 et que, si une demande ne contient pas tous les éléments d'information, dès lors que les rubriques 1 à 3 et 7 sont renseignées, le bureau des douanes fixe au requérant un délai pour la fourniture des éléments d'information et/ou des documents manquants. Ainsi, pour la Haute cour, l’opérateur ayant joint à ses demandes les annexes 111 renseignées conformément aux dispositions de l’article 881, il incombait à la Douane, si elle estimait ne pas être suffisamment informée, de le solliciter à cette fin, ce qu'elle n'a pas fait.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy Guide des procédures douanières, n° 330-88, n° 460-72 et n° 460-74. La décision ici présentée est déjà intégrée à ces numéros dans la version en ligne de l’ouvrage sur Lamyline.
 
 
 
 
Source : Actualités du droit